Jeep, c’est l’ADN de l’aventure, des loisirs et du 4×4. De la Willys au Wrangler, ces modèles sont des icones. Mais d’autres constructeurs offraient aussi une alternative accessible et pas chère, comme le Samouraï de Suzuki. Le Junior aurait dû être cette offre-là pour Jeep au début des années 90.
Junior, Jeep voulait en faire son entrée de gamme
Quand un segment fonctionne très bien pour un constructeur, la concurrent l’observe donc de près. Chez Suzuki, le Samouraï se vend très bien depuis son lancement en 1985. Et l’opportunité d’avoir un plus petit 4×4 que le Wrangler séduit Jeep, ils commandent ainsi une étude interne. L’idée était d’avoir des performances supérieures afin d’être vendu sur tous les marchés à l’international. C’est un ancien ingénieur de Jeep, Bob Sheaves, qui raconte cette histoire.
Ainsi, au début des années 90, Jeep était en train de développer un modèle d’entrée de gamme. En interne, le modèle portait le nom de « JJ », pour Junior Jeep. Le but était de construire ce modèle en utilisant des pièces de série existante avec un processus de fabrication simplifié. Car, la finalité était de maintenir au plus bas les coûts de production.
Un 4×4 entrée de gamme était étudié par Jeep début 90
Le Junior devait être un véhicule léger, à suspension souple, dont les performances étaient à peu près équivalentes à celles du Grand Cherokee. Puis, le concept initial fut dirigé par une équipe avec à sa tête le chef du design de Jeep de l’époque, Bob Nixon. Le résultat correspondait exactement à l’image que l’on se fait d’une Jeep rivalisant avec le Samouraï. L’équipe a ainsi imaginé un cabriolet à deux portes.
À l’avant, on retrouve donc la calandre à sept fentes (cinq sur ce croquis) caractéristique de Jeep. Les phares sont carrés, puisqu’ils sont repris de ceux du Wrangler de l’époque. À l’arrière, les feux arrière donnent l’impression d’être à l’envers, encastrés dans le pare-chocs. Enfin, les ailes, le pare-chocs avant et l’arceau de sécurité sont reliés entre eux. Le résultat était un véhicule avec une longueur de 3,32 m (le Samouraï mesurait 3,47 m), pour 1,60 m de large et un empattement de 2,20 m.
Ensuite, Bob Sheaves expliqua comment Jeep allait réaliser des économies d’échelle pour assembler ce Junior. Ils pensaient en réaliser grâce à l’utilisation d’une boîte de transfert conventionnelle (le moteur Chrysler 2,5 et la boîte-pont à 5 vitesses ont été repris directement de la Plymouth Horizon et de la Dodge Omni). Pour éviter d’alourdir la facture pour le client final, très peu d’options auraient été proposées. Sheaves croit ainsi se rappeler que la climatisation n’était même pas une option envisageable. Mais l’autre idée de Jeep était de confier à des sous-traitants la fabrication des 13 modules du Junior. Jeep se chargerait ensuite de l’assemblage final sans qu’il soit nécessaire d’utiliser de l’électricité.
De vraies aptitudes d’un 4×4 pour le Junior
Néanmoins, les coûts n’étaient pas la seule obsession de Jeep, ses capacités de franchissement devaient être réelles. Quitte à faire un modèle entrée de gamme, il fallait que l’ADN de Jeep et la promesse d’un tout-terrain soit tenues. Ainsi, les ingénieurs eurent pour consigne que le Junior devait être capable de franchir le sentier du Rubicon.
A la base, deux moteurs Renault à quatre cylindres avaient été envisagés pour équiper la JJ. Après le rachat d’AMC par Chrysler en 1987, Sheaves explique que le moteur 4 cylindres de 2,5 litres et la boîte de vitesses manuelle à cinq rapports de la Plymouth Horizon/Dodge Omni ont été utilisés. Afin de réduire les coûts, le moteur a été tourné de 90 degrés pour permettre l’utilisation d’une boîte de transfert à une vitesse. Le projet était tellement avancé dans le développement de la JJ qu’ils avaient même une idée de son prix. Selon Sheaves, le constructeur voulait que le JJ coûte « de l’ordre d’un quart à un tiers de moins que le Grand Cherokee ».
Mais ce concept aurait pu rencontrer un problème, victime de son succès. En effet, il était si avancé dans son développement qu’il aurait pu entraver la marche en avant de Jeep. Car à ce même moment, le Grand Cherokee devait faire ses débuts. Et Jeep ne voulait pas devoir construire une nouvelle usine si jamais le Junior en aurait eu besoin.
Une bonne idée, sans lendemains…
Si avancé dans son développement avec de bonnes idées, le Junior échouera au dernier test : le parcours du Rubicon. En effet, sur une section de ce parcours, le Junior eut besoin d’aide, tiré par des câbles. Les ingénieurs de Jeep se sont mis d’accord, le Junior ne peut pas être considéré comme une vraie Jeep. Le constructeur ne voulait pas d’un véhicule inférieur à une MB. Bien que, certaines MB n’ont pas réussi à traverser le Rubican Trail sans assistance…
Sheaves semble dire qu’il pense qu’un pneu plus grand aurait été utile au lieu des 29 pouces utilisés sur la JJ. Il mentionne que les ingénieurs ont essayé d’utiliser un pneu de 31 pouces, mais qu’ils n’ont pas pu le faire « sans heurter et abîmer les ailes avant ». Et puis au final, le coût du programme a fini par refroidir Jeep. Car, une autre carrosserie fut envisagée, un modèle à quatre portes. Cela a attiré l’attention des dirigeants sur la question du coût, et ont préféré stopper le développement. Les finances allouées à ce projet furent réattribuées à d’autres programmes.
Au total, 60 véhicules ont été construits en tant que prototypes de préproduction et tous ont satisfait aux normes de durabilité de la gamme Jeep habituelle, ce qui est assez surprenant (surtout quand on sait qu’à l’exception du moteur et de la transmission, tout le reste était neuf). Sheaves se dit convaincu que le JJ aurait pu se vendre correctement. Au final, nous n’avons jamais eu droit à un véritable concurrent pour le Samouraï de la part de Jeep.