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Histoires de Jeep : M715, l’autre Jeep militaire

Quand le Pentagone veut afficher sa puissance…

À part cela, ces camions n’avaient vraiment pas besoin d’amélioration. Pourtant, il semble que les responsables du Pentagone, friands de nouveaux jouets, aient voulu remplacer un camion démodé qui faisait son travail sans se plaindre, probablement en prévision d’une nouvelle guerre. Ainsi, à la fin des années 1950, ils se lancèrent dans un effort pour remplacer ce véhicule sans défaut.

Bien sûr, il n’était pas question de se contenter de quelque chose d’aussi simple et économique que d’installer un moteur plus grand et d’augmenter les rapports de pont. Chrysler Corporation fut donc chargée de concevoir un tout nouveau véhicule. Il ne fut pas surprenant de découvrir que la construction d’un camion tactique entièrement nouveau, avec toutes les fonctionnalités souhaitées, coûterait deux fois plus cher par unité que les M37 toujours en production.

De son côté, la division Chevrolet de General Motors soumit également un prototype pour remplacer le M37, et il s’avéra tout aussi coûteux. Toutefois, les généraux avaient de grandes attentes vis-à-vis d’un nouveau véhicule Made-in-America en développement, comme le M561 Gama Goat. Ce dernier devait non seulement remplacer le M37, mais aussi accomplir presque toutes les missions possibles. Ainsi, les prototypes de Chrysler et G.M. furent rejetés au profit d’un camion intérimaire, destiné à servir jusqu’à l’arrivée du Gama Goat.

En 1965, Kaiser Jeep conçut et développa le camion M715 pour remplacer le M37. C’était le premier camion tactique militaire américain construit avec des composants civils standards. Il est certain que le Bureau du budget général fut satisfait, car avec un prix d’achat initial de 4 400 $ par unité, le M715 ne coûtait que la moitié du prix d’un nouveau M37. La livraison de plus de 33 000 véhicules débuta en janvier 1967.

Jeep sauvait à nouveau la mise de l’armée américaine

En raison de sa capacité de 1 tonne un quart, le véhicule fut surnommé le “five-quarter”. Il existait quatre modèles de base : le camion M715, l’ambulance M725, le camion de maintenance de contact M724 et le camion de maintenance téléphonique M726… ce dernier étant le plus rare. Tous étaient équipés du moteur Kaiser OHV Tornado, qui, ironiquement, avait la même cylindrée de 3,7l que le moteur L-head du Dodge M37.

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Bien que le moteur du Kaiser M715 offrait une puissance de 132 ch à 4000 tr/min, contre 78 ch à 3200 tr/min pour le Dodge M37, le M715 semblait moins performant. Cela, malgré des rapports finaux de transmission presque identiques. Globalement, à quelques exceptions près, les performances du M715 n’étaient pas très différentes de celles du M37. On pourrait dire que le M715 n’apportait aucune réelle amélioration par rapport au M37, sauf une capacité de charge supérieure et un design plus « moderne ».

Presque tous les M715 partageaient le même châssis, quel que soit le style de carrosserie ou la présence d’un treuil. La carrosserie avant, la cabine et les portières provenaient du pick-up civil J Series Gladiator. Les ailes avant avaient été modifiées avec de grandes découpes pour accueillir les pneus militaires 9.00×16, de même dimension que ceux du M37.

Une mauvaise réputation à cause de la fiabilité

Au Vietnam, le M715 acquit une réputation de fragilité et de manque de puissance par rapport au M37. Cela peut sembler étrange, car son moteur était censé offrir 54 chevaux de plus que celui du M37. Cependant, avec une capacité de charge supérieure d’une demie-tonne, le M715 était souvent surchargé. La réputation de fragilité provenait surtout du moteur, qui, comme en usage civil, se montrait capricieux et problématique.

La cabine du M715 était plus légère que celle du M37, et même comparée à d’autres camions civils. Ses charnières et serrures de portes résistaient mal à une utilisation tactique. De plus, son système de suspension, renforcé pour répondre à sa capacité de 1,25 tonne, rendait la conduite à vide très inconfortable. Ses ressorts rigides causaient aussi des blocages sur des terrains accidentés où deux roues opposées perdaient contact avec le sol. Dans ces situations, la cabine légère se tordait souvent au point d’empêcher l’ouverture des portes. Un défaut indésirable pour un camion tactique en situation de combat !

Le moteur du M715 était sans aucun doute son point faible majeur. S’il avait été remplacé par une version plus robuste et fiable, ce camion aurait pu rester en service pendant de nombreuses années. Sur le plan mécanique, le principal défaut du moteur était la longue chaîne de distribution nécessaire pour entraîner l’arbre à cames en tête. Si la Jeep Willys ne souffrait d’aucun défaut et remplissait parfaitement le cahier des charges, l’armée américaine a souhaité un nouveau véhicule de remplacement d’un modèle déjà très robuste, simplement par vanité l’envie de reproduire la success-story de la Willys. Hélas, le simple fait de vouloir réduire les coûts à tout prix, gâchera sa carrière par ses problèmes de fiabilité.

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